Compétences et Performance
Dans une forte majorité d'entreprises, les efforts portés sur le développement des compétences a tous les niveaux hiérarchiques sont tout simplement "hors sujet". Voici pourquoi:
La question des compétences ne présente d'intérêt dans l'entreprise que dans la mesure ou elles contribuent à l'accomplissement de l'individu, tout en créant de la valeur dans le cadre des processus de l'organisation. Comme l'indiquait très justement l'année dernière Didier Jedliczka dans ces colonnes, les compétences restent latentes tant qu'elles ne trouvent pas le moyen de s'exprimer et de se développer, notamment au sein de l'entreprise.
Parle-t-on en effet le LA compétence, ou DES compétences? Si c'est LA compétence, la question est: compétent pour faire quoi? Si c'est LES compétences, la question devient: lesquelles, et quelles sont leur importance respective pour un poste donné? De nombreuses entreprises qui se lancent dans une "stratégie de compétences" ont le plus grand mal a opérer la distinction et à intégrer correctement les compétences individuelles et les capabilités critiques de l'entreprise qui détermineront sa pérennité et son succès dans le futur.
Tout poste représentant un engagement de moyens par l'entreprise (rémunération) a une légitimité et une seule : ce qu'il est supposé contribuer a l'atteinte d'objectifs globaux (le but du poste). Il en découle que le but de ce poste (pourquoi) par l'accomplissement des tâches prioritaires (quoi) en mettant en œuvre la compétence requise et les comportements attendus (comment) représente le véritable enjeu (cf. schéma ci-dessous).
La confusion conceptuelle et sémantique régnant, ce but est trop souvent occulté ou confus, laissant salariés et hiérarchiques à la dérive lorsqu'il s'agit d'apprécier fiablement les exigeances du poste, l'équipement humain (préparation et tendances de comportement), la probabilité de succès qui découle de leur adéquation, et la performance effective dans l'atteinte d'objectifs prédéterminés en fonction du degré de difficulté.
Comme le dit E. Demming, pape mondial de la qualité et l'une des personnes ayant eu ces dernières 50 années la plus grande influence dans le monde sur les entreprises: "...la plupart des employés ne savent pas ce qui est attendu d'eux. Plus grave, ils ne disposent d'aucun moyen pour le découvrir ..." L'expérience de Human Side en entreprise au cours des 20 dernières années corrobore ce point. Malgré le talent et les efforts déployés, les descriptions de postes couramment utilisées par les entreprises et les consultants qui les conseillent représentent une compilation d'information souvent exacte, mais dont l'étendue et le détail rendent impossible une compréhension claire par le titulaire de ce qui est attendu de lui.
Or, les programmes des écoles qui produisent des dirigeants d'entreprise continuent à faire une part considérable à la manipulation financière au détriment de la compréhension des facteurs humains qui créent de la richesse. Les priorités qui en découlent deviennent manifestes à l'observation des stratégies de restructuration qui sévissent aujourd'hui.
Il y a donc peu d'incitation à porter l'attention requise aux questions de clarification et de simplification de postes qui sont au cœur de la sous-performance, d'une création de richesse insuffisante et des licenciements qui deviennent inéluctables.
Le développement de l'utilisation du savoir dans l'économie post-industrielle conduit à une modification de fait du rôle de l'encadrement et expose celui-ci en priorité sans que ces changements soient compris ou guidés.
Lorsque les standards de postes et les qualités personnelles sont suffisament clarifiés, les écarts (entraves à la performance) peuvent être identifiés et les moyens de développement peuvent être mis en œuvre d'une façon contributive.
Les stratégies de développement effectives passent alors par le développement des compétences insuffisantes ou manquantes. Celles dont le développement aura le plus grand impact sur l'amélioration de la performance et l'accomplissement des individus.
Une telle démarche établissant des priorités claires permettra de capitaliser les forces en limitant les faiblesses et constituer un facteur de progrès individuel et organisationnel. Aborder ces questions d'une façon fractionnée et non intégrée maintiendra le niveau de gaspillage actuel des ressources allouées à la formation ou aux bilans de compétences dont le retour sur investissement n'est d'habitude pas mesuré.
Eric de Rochefort
Président, Human Side Europe