Comment Favoriser le Développement
des Compétences Individuelles?
Le développement des compétences individuelles dans une organisation a un impact économique considérable sur cette organisation, et figure parmi les questions qui sont traitées avec le moins d'efficacité dans la plupart des entreprises.
Le développement effectif des compétences requiert en effet un climat constructif permettant l'évaluation factuelle de l'existant, la validation de cet existant pour le titulaire, la constitution d'un plan de développement intégré au contexte de l'entreprise et établissant des priorités claires, et la mise en œuvre d'un processus motivé de progrès continu pour le titulaire, dont les efforts seront soutenus par son supérieur hiérarchique.
Les acteurs qui se sentent responsables de ces questions ont du mal à établir l'impact économique du processus, et (à leur décharge) la plupart des cultures managériales enlève à leurs efforts un crédit considérable.
En effet, nous devons nous garder d'oublier qu'aujourd'hui près de la moitié des cadres intermédiaires ont virtuellement démissionné (bien qu'ils continuent à "faire leur travail" quelquefois même remarquablement bien, compte tenu de leur faible degré d'engagement). Ces hommes et ces femmes se sont réinvestis dans d'autres dimensions (sociales, culturelles, sportives, familiales ...) que celle de l'entreprise.
Le développement des compétences -- tout comme la motivation du management -- a constitué dans le passé le point focal de talents de reflexion et d'analyse considérables. Il suffit pour s'en convaincre de passer en revue les 30 dernières années du Harvard Business Review, où de la Revue Francaise de Gestion. Ces efforts continuent cependant à buter systématiquement sur deux obstacles majeurs: le choix des priorités de développement, et la mise en œuvre du développement en fonction de ces priorités.
EVALUER ...
En effet, tout effort de développement vient d'abord de l'intérieur de chaque individu. Il doit coincider avec cette "étincelle" qui nous pousse à vouloir faire mieux, et il doit être aligné avec nos buts individuels qui à leur tour doivent être alignés (au moins suffisament ...) avec les buts de l'entreprise.
Or, il est extrêmement difficile pour une personne d'identifier spécifiquement ses priorités de développement professionnel, puisque nous avons tous naturellement tendance à privilégier l'amélioration de ces compétences que nous maîtrisons déjâ le mieux.
De plus, le type de relations se développant aujourd'hui dans l'entreprise fait que toute question impliquant un jugement personnel tend à être évité, et que la plupart des personnes disposent ainsi de moins en moins de "miroirs" fiables pour guider leurs efforts d'amélioration. Ceci bien sûr, jusqu'au moment où l'irritation devient telle que la seule issue est de se séparer du collaborateur.
En effet, l'une des raisons majeures faisant que nous ne développons pas ces points qui constituent des entraves à notre succès -- professionnel et individuel -- est tout simplement que nous pensons que "les autres ne s'aperçoivent pas" de ces manques, où de ces besoins d'amélioration.
Pour assurer le développement des compétences prioritaires, c'est-à-dire celles dont le développement aura le plus grand effet sur notre performance et notre réalisation, une étape incontournable est l'évaluation fiable de celles qui sont pertinentes par rapport à ce que nous avons à accomplir.
L'absence de références entretenue par la culture de l'entreprise (de plus en plus marquée à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie) rend cette évaluation formelle indispensable, et certaines techniques permettent aujourd'hui de disposer de données dont la fiabilité est acceptable. Cette étape franchie, il y a nécessité de valider les résultats de l'évaluation, et c'est habituellement à ce stade que le processus vole en éclats.
VALIDER ...
Afin de mettre en œuvre les ressorts internes (la motivation) qui conduira l'individu à un engagement significatif pour le développement des compétences insuffisantes où défaillantes, il est essentiel d'établir à SES yeux la crédibilité du besoin.
Trois types d'acteurs sont traditionnellement partie prenante de ce processus. L'individu lui-même, les consultants (internes où externes, DRH), et sa hiérarchie opérationnelle. Ces derniers se montrent habituellement protectifs à l'excès, empêchant le titulaire d'accéder à la vérité toute nue (dont la révélation pourrait quelquefois éclairer d'un jour cru la façon dont les titulaires sont eux-mêmes managés). Dans d'autres cas, ces mêmes supérieurs se désintéressent tout simplement du processus (tout occupés qu'ils sont à "être le boss"), et leur position en retrait empêche l'établissement d'une crédibilité suffisante de la démarche aux yeux des titulaires.
Les autres acteurs que sont les consultants n'ont qu'une vision partielle de leur rôle dans ce processus, et ne disposent pas -- quoi qu'ils en disent -- aux yeux des titulaires et de leurs supérieurs d'un crédit qui leur permette effectivement d'impliquer ceux-ci dans un processus discipliné et constructif.
De ce fait, les titulaires doivent deviner par eux-mêmes ce qu'ils doivent développer en priorité (un jour le respect des procédures, le lendemain l'autonomie et l'initiative; le surlendemain la gestion du temps, le 4e. jour la négociation).
La liste des compétences spécifiques que tout manager pourrait souhaiter développer est en effet telle, que sans un plan qui indique le chemin, les priorités deviennent brouillées, et les meilleurs des efforts ne produiront qu'un maigre résultat (tout est urgent ...).
PLANIFIER ...
Lorsque l'évaluation fiable a eu lieu, et que ses résultats ont été validés aux yeux des titulaires, les priorités émergentes doivent être intégrées au contexte (évolution de la technologie pour les compétences techniques, objectifs de la division où de l'entreprise, intentions de l'organisation concernant le titulaire, intérêts de celui-ci, etc.).
L'ensemble de l'information est alors disponible pour concevoir un plan de développement sain et efficace. Celui-ci peut alors prendre en compte les éléments internes et externes qui assureront le succès de sa mise en œuvre par les acteurs principaux. Il conduira à la réalisation optimale du potentiel du titulaire, ainsi que sa meilleure contribution aux résultats de l'entreprise.
Ce plan devra définir des objectifs spécifiques cadencés dans le temps, et intégrer la dynamique humaine du titulaire, aussi bien que celle de son environnement (collaborateurs, supérieur, contexte: rachat, consolidation, croissance soutenue pour capture de parts de marché, occupation d'une "niche", ou optimisation dans un business en phase de maturité). Ceci veut dire que les tendances de comportement, les motivations, les désirs et les besoins du titulaire devront être pris en compte au même titre que les compétences.
COMMUNIQUER ...
L'une des clés du succès devient alors la communication de ce plan. Le titulaire ainsi que son supérieur doivent recevoir communication de ces priorités si l'on veut que ce dernier puisse jouer le rôle le "coach" qui fait partie de ses responsabilités.
Un processus ainsi conçu permet aux titulaires ainsi qu'à leurs supérieurs d'aborder factuellement ces questions où l'émotionnel domine habituellement (sauf lorsque ces questions ne sont tout simplement pas abordées, ce qui tend à devenir plus la règle que l'exception). Il permet de réduire l'écart de perception qui a pu se développer entre le titulaire et son entourage (je pense que je délègue bien, mais mes collaborateurs estiment que mes compétences de délégation sont une catastrophe). Ce processus permet également d'établir clairement auprès de l'acteur principal que le développement des compétences prioritaires est avant tout de sa responsabilité, tout comme son succès professionnel est de sa responsabilité.
La restitution de l'évaluation ainsi que la communication du plan de développement et des modalités de mise en œuvre est critique. C'est elle qui assure le succès du processus ou son échec. Il ne faut en effet pas oublier que cette évaluation (si elle a été correctement conduite) constitue souvent pour le titulaire une remise en cause dont il n'a pas l'habitude.
Il est essentiel d'initier la restitution par le rappel des forces du titulaire (la plupart des personnes n'ont qu'une vision imparfaite de ce qui constitue leurs forces), et de mener la démarche de façon constructive, mais ferme.
NOURRIR LE PROCESSUS ...
Lorsque ce plan de développement a été négocié avec les deux acteurs, que le consensus et l'engagement existent pour sa mise en œuvre, l'évaluation formelle du progrès de manière récurrente doit alors intervenir pour nourrir le processus de développement.
Certains se récrieront à la description qui précède, en qualifiant cette progression de trop complexe où trop lourde. Nous pourrions leur rétorquer que d'une part cette discipline devient avec un peu d'habitude aussi facile à bien pratiquer que n'importe-quelle autre, et d'autre part que c'est tout simplement ce que font -- de manière formelle où informelle -- toutes les équipes et entreprises à haute performance.
Nous rapellerons simplement que l'absence de formalité et de discipline dans la mise en œuvre du développement des compétences est l'une des causes principales de la décomposition du processus, et ainsi du formidable gaspillage de motivation et de talent auquel nous assistons aujourd'hui. Le développement individuel et professionnel effectif est un processus, et non un programme, c'est pourquoi un système bien conçu est requis pour guider et renforcer ce processus. Sans cela, l'arrêt et la relance des processus au gré des politiques erratiques de disponibilité des ressources se révèlent souvent plus coûteux que la simple passivité face à ce besoin déterminant pour l'avenir de toute entreprise.
Eric de Rochefort